De son vrai nom Mars Science Laboratory (MSL) la prochaine mission américaine sera probablement médiatisée sous celui de son principal élément : le "rover" Curiosity (ci-dessous).
Curiosity avant son départ, notez la complexité de l'appareillage scientifique
Propulsée par une fusée Atlas 5 La sonde s’élancera lundi 26 novembre 2011 de Cap Canaveral et, après une trajectoire balistique de 9 mois pénètrera dans l’atmosphère de la Planète Rouge en août 2012. En quelques minutes d’opérations particulièrement audacieuses se jouera l’avenir de la mission.
Photo : Les différents rovers martiens : au centre Sojourner (1997) : 10 kg, à gauche Spirit / Opportunity (2004) : 170 kg, à droite Curiosity (2012) : 900 kg. La dimension des robots a doublé à chaque génération.
De la taille d’une petite voiture, et donc beaucoup plus massive que les rovers précédents (voir photo ci-dessus) Curiosity ne pourra adoucir son atterrissage par les ingénieux coussins gonflables dont avaient auparavant bénéficié Spirit, Opportunity et le petit Sojourner. La Nasa a opté pour un freinage final à base de rétrofusées comme pour les grands ancêtres que furent Viking 1 et 2 (1976).
La procédure sera aussi complexe qu’impressionnante.
Le détail des opérations d'atterrissage. (source: NASA)
A proximité de Mars, MSL larguera son étage de croisière (1) et, protégée par un bouclier thermique, pénétrera dans l’atmosphère à un peu plus de 5 km.s-1
A 10 kilomètres d’altitude et 440 m.s-1, un parachute sera déployé qui mènera l’ensemble jusqu’à 1 800 mètres de la surface.
A partir de ce point, le freinage sera alors assuré par une sorte de grue volante munie de rétrofusées à laquelle est attachée Curisosity. Arrivée à vingt mètres de la surface, la grue se stabilisera (en altitude comme en déplacement latéral) puis descendra doucement Curisosity suspendue à des cables de 7 mètres de long jusqu’à ce que la sonde touche le sol. Les câbles de soutien et de contrôle seront alors sectionnés et la grue porteuse ira s’écraser un peu plus loin (3).
Curiosity suspendu à sa "grue volante" peu avant l'atterrissage
Cette procédure complexe est une première et l’on peut imaginer que les responsables de la NASA, comme tous les amoureux de l’espace, vivront de stressantes minutes. D'autant qu'à l'inverse des missions Pionner, Voyager, Viking ou même Spirit, Curiosity n'est lancé qu'en un seul exemplaire, il n’y a pas de sonde jumelle. Aucun orbiter n’y est non plus associé. MSL reste néanmoins très coûteuse pour une mission inhabitée : on évoque un budget de deux milliards et demi de dollars.
Le cratère Gale, but de Curiosity (source NASA)
Une fois arrivé à bon port, c’est-à-dire dans le cratère Gale de155 kilomètres de diamètre, Curiosity pourra entamer son travail. L'ellipse d'atterrissage est située entre la couronne externe et les hautes montagnes centrales,
Equipé de 80 kg d’instruments scientifiques le rover prendra de nombreux clichés et étudiera la composition des roches. Parmi ces instruments, le ChemCam , majoritairement construit par la France sera doté d’un laser qui chauffera les roches, une caméra analysant ensuite la lumière produite afin d’en déterminer la composition (4). D’autres instruments d’analyse sont également présents ainsi qu’une station météo et plusieurs caméras.
Curiosity se distinguera aussi par un système de déplacement plus autonome faisant appel à des caméras dédiées (HazCam) et qui pourra seconder ses pilotes terrestres en prenant des décisions de dernière seconde (arrêts, évitements...). Quatre de ses six roues seront directrices (on voit l'articulation sur la première photo). Curisoity est prévu pour parcourir 20 kilomètres à la surface martienne, mais Opportunity qui devait parcourir 600 mètres en est à 21,7 km, tous les espoirs de dépassement sont donc permis.
En matière d’énergie le Rover sera alimenté (là aussi, comme les sondes Viking) par un réacteur nucléaire passif au plutonium d’une puissance électrique de 120 w (5). Cela lui donnera une grande autonomie et une longue durée de vie (plus de risque que les panneaux solaires ne soient couverts de poussière, ni que la nuit ou l’hiver la sonde ne dépende que de minuscules batteries)
Schéma du réacteur qui alimentera Curiosity
Souhaitons à MSL-Curiosity plus de chance qu’à Phobos-Grunt dont l’échec porte un rude coup à la recherche spatiale russe. Nous avions émis des doutes sur sa réussite compte tenu, là aussi, de la complexité des procédures envisagés. Mais c’est dès le départ que le problème s’est produit. Après sa mise en orbite terrestre, la sonde n’a pu allumer le moteur qui devait la placer sur sa trajectoire martienne. Selon la plupart des commentaires aujourd’hui disponibles ce seraient les censeurs stellaires destinés à contrôler la bonne orientation de l’engin qui auraient fait défaut. Sans les informations de ces éléments essentiels du système d’orientation les moteurs ne pouvaient évidemment se mettre en marche. La sonde risquant alors d’être envoyée dans n’importe quelle direction. De fait donc, Phobos Grunt aura subi le même sort que Mars 96. Vers Mars, la Russie vole d'échecs en échecs.
MSL sera la quarantième sonde envoyées vers Mars. La première, russe, date d'octobre 1960, elle avait échoué dès le lancement ! D’autres informations plus détaillées sur cette mission sur les sites de la NASA et sur celui, très complet, de Wikipédia.
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(1) Dans le module de croisière se trouvent tous les instruments nécessaires au bon déroulement du voyage interplanétaire : Systèmes de contrôle de l’attitude (très importants, voir leur rôle probable dans l’échec de Phobos-Grunt), systèmes (moteur et carburant) pour les ajustements éventuels de trajectoires, systèmes de communication avec la Terre… Ce module constitue en quelque sorte un prolongement du lanceur.
(2) Il ne faut pas s’étonner qu’un parachute puisse être déployé à une telle vitesse (440 m.s = 1600 km.h). Sur Mars, en effet, la densité atmosphérique ne vaut que 1% de celle que nous connaissons sur Terre. Dans ces conditions, un parachute n'est efficace qu’à haute vitesse.
(3) Remarquons que la surface martienne sera constellée d’objets terrestres ; les restes démantelés et carbonisés du module de service, l’épave de la « grue », le bouclier thermique, le parachute et bien sûr, le rover lui-même. Que de richesses pour les futurs archéologues martiens !
(4) Voir à ce sujet l’excellente interview de Sylvestre Maurice dans la revue Espace Exploration (numéro 6, novembre-décembre 2011, p 52)
(5) Ce réacteur comporte très peu de parties mobiles. La chaleur dégagée par la radioactivité est directement convertie en électricité par des thermocouples. Le rendement n’est pas extraordinaire (la puisssance électrique est de 120 watts pour 2 000 watts thermiques) mais la fiabilité est quasi absolue et la durée de vie très importante. La chaleur peut d’ailleurs directement réchauffer l’électronique de la sonde soumise à rude épreuve sous le glacial climat martien.
Sources des illustrations : NASA, Wikipedia.